La ronde des drôles de dames

Les femmes sont porteuses de la continuité de l’humanité. Elles sont aussi porteuses de la grandeur de cette humanité. Aujourd’hui et plus encore demain. 

Cécile Presti nous le fait savoir. En beauté. En délicatesse. En rouge et en noir. En drapé, au niveau de la chevelure. Sous l’oeil, un seul, mais tour à tour porteur d’énigme, d’effroi, d’interrogation, d’intrigue, de câlinerie, en recul ou en introspection. Avec la délicatesse des fleurs et le compagnonnage des papillons. 

Au coeur de ces personnages suinte l’amour, le vrai, absolu, recherché, inaccessible, trahi, rêvé…


Fleur de givre : Tu es énigmatique. 

Ton oeil apparaît grand ouvert et disparait sous les fleurs épanouies ou en bouton, entrelacées, suspendues à la chevelure. De quel mystère cet oeil est-il le réceptacle ?

Que cachent ces fleurs qui grignotent le visage, le papa-fleur en haut, puis la maman-fleur, et enfin les enfants boutons ou fruits qui viennent encadrer l’oeil mystérieux ? 

Ne verrait-on plus les fleurs ? Seraient-elles en sommeil ou en voie de disparition sous le givre et s’accrocheraient-elles à la chevelure d’une femme de peur de ne plus exister ? 

Oeil, que nous dis-tu ? 

Regardez les fleurs, regardez leurs enfants fruits, ouvrez votre conscience sur cette beauté ! Ne la laissez pas être recouverte par le givre de l’indifférence, par les terres désolées de l’avilissement de la nature ! 

Homme, vois-tu encore les fleurs, la nature ? Qu’en fais-tu ?

Fleur de givre, tu me glacerais le coeur si tu n’étais pas symbole de logique et d’espérance, si belle et si … lointaine.


Ivy : Tu es stupeur. 

Ta bouche rouge bée sur une interrogation. Ton iris projeté au bord de la paupière nous laisse aux limites de l’effarement. Avec fascination.

Femme, de quelle peur, de quelle vision es-tu porteuse ?. Que vois-tu ? Que perçois-tu de cette vie devant ton visage ? 

Quatre papillons rouges se sont réfugiés sur ton nez et ta chevelure. Ont-ils honte en tournant le dos et ne voulant pas voir ? 

Ivy, tu exprimes la stupeur. Ivy, ton rouge est nucléaire.  

Ivy Mike fut, dans les années anciennes, le nom donné au premier essai de la bombe H, inaugurant l’ère thermonucléaire. 

La bombe est aujourd’hui de nouveau envisagée comme solution aux problèmes des Humains, est-ce cela ta stupeur ? 

Les papillons rouges, souvent associés à des émotions fortes passées, nous laissent l’espoir de la transformation et la renaissance

Ivy, tu es le lierre, le symbole de la fidélité, de l’amour éternel, de l’immortalité sous les pharaons d’Egypte.

Ivy, le renouveau. De quel monde cet oeil contemple-t-il ? De quel monde ces quatre papillons rouges nous promettent-ils ? 

Et si cet oeil était l’effarement devant ce monde ? Et si cette bouche était ouverte sur l’incompréhension de nous-mêmes ? L’incompréhension de notre impossibilité d’aimer ?

Et si ces papillons voulaient être la nécessaire transformation de l’être humain en souhaitant tourner le dos à cet ancien monde ? À découvrir un monde où l’amour serait immortel.

Ivy, tu me baignes dans l’ivresse d’un monde nouveau fait d’amour, de chance et de sérénité.


La dame aux pétales : Tu es, tour à tour, tristesse, mystère et mystique.

Un visage énigmatique, émacié  accoté à ce qui semble être une épaule dénudée. Le blanc et le violet se faisant face. Et de longues cascades de cheveux qui cachent la moitié de ton visage.

Ton oeil visible est ouvert sur la vie, acéré. Il dégage un air étrange, une introspection, une méditation que l’on perçoit puissante, mais naturellement douce. Mystère. 

Ton oeil sait, mais ne veut pas dévoiler ce qu’il sait. Mutin, il fixe quelque chose de lointain, à l’extérieur ou à l’intérieur. Il nous amène à la réflexion, au repli intérieur, à la mélancolie d’un monde que tu fixes ardemment.

Tes lèvres fermées ne peuvent dire ce que « la dame aux pétales » sait. Ces lèvres violettes, remplies de tristesse désabusée, nous conduisent à un doute, une interrogation. 

« Pourriez-vous appréhender ce que mon oeil sait, ce que je sais ? » sembles-tu dire. Tu en doutes, cela renforce l’objet de ton silence. 

Mystique tu es. Cette révélation, ce savoir sont probablement d’un autre niveau. Le blanc et le violet nous obligent à le penser.

Serais-tu la descendance de la séduisante et capricieuse Marguerite, la dame aux camélias, celle de l’amour impossible avec Armand ? Est-ce là ton mystère ?

Dame, tu m’intrigues, tu me subjugues, tu m’attires et m’ensorcelles dans ton mystère non révélé, dans ce qu’il recèle d’ambivalence.


Anthea : Tu es guerre et amour. Tu es dépit et joie.

L’amour de la guerre ? La guerre pour l’amour ? Les deux faces d’une même réalité ?  

Bouche couleur velours, ouverte sur des dents blanches, lippe distordue marquant une insatisfaction ou un mécontentement, ton regard reste droit, vrillé sur l’interlocuteur. 

Tout exprime en toi la volonté, la désapprobation, ou l’ennui. 

Les coeurs virevoltants, répartis uniformément autour de ton visage, amènent à penser que la colère ou le désamour ne sont que passagers et que la recherche d’amour est ta quête. Ce que confirme la douceur de tes traits.

Désillusion, quête, espoir, amour… Qui a commencé ? Quel paradoxe ! La quête a probablement été l’initiatrice. La quête toujours recommencée, l’amour toujours espéré, rêvé, mais la désillusion cruelle qui ruine l’âme et bouleverse, tord les visages !

Anthea, on te pressent empathique et sensible, derrière le dépit. Le regard clair et droit mérite de rencontrer son alter-ego rempli de douceur et de quiétude pour que le velours devienne moue câline. 

Anthea, je reconnais en toi la vraie guerrière, celle qui déteste la guerre et qui aspire à la paix, à l’amour. S’il te faut mener une guerre, ce sera celle de l’amour, de sa conquête. Et tu peux la gagner !

Vingt et une fois le coeur affiché sous forme de pétale, vingt et une fois l’amour demandé…en forme de coeur. 

L’ordre, la perfection, la sagesse sont au rendez-vous de cette muse, fille de Zeus, excusez du peu. 

Anthea, tu me hantes déjà !


Azalée : Tu es rebelle, guerrière et pourtant fragile.

Tu es ma préférée ! Voilà, c’est dit. Au risque de rendre jalouse tes soeurs. 

La force, la détermination, la passion sont au diapason de l’expression de ton visage. Tes lèvres ouvertes sur un monde d’actions, sur une volonté sans faille trahissent néanmoins une sensualité exacerbée.

Mais le doute, le questionnement, l’attente, un certain recul sont également posés dans ton regard. Sur le passé, sur ton passé. Une méfiance, venue de côté, que tu détectes, que tu suis, que tu surveilles. 

Du Japon, dont tu sembles droit venir, je ressens la profondeur de l’affection quand, fleur, on t’offre en présent, en cadeau. 

Du pays du soleil levant, je ressens la pureté, l’air devenu transparent à l’embrasement de tes feuilles dans les si puissants rituels shintô de purification.

Du sein du dojo, femme guerrière, tes mains ne tremblent pas en  maniant le ken.

Pas de volonté dans un sabre qui tue, mais dans celui qui tranche, qui purifie, qui éclaircit les situations délicates. 

Générale, tu as la capacité à mener les hommes au combat. Victorieusement.

De Chine, je ressens la joie d’aimer. La légende nous susurre que tu serais née de la tristesse d’un coucou. Il aurait crié jusqu’au sang, et une goutte t’aurait donné naissance. Cette goutte qui irrigue tes lèvres ourlées.

Azalée, tu portes ainsi en toi la mélancolie d’un riche passé, la certitude et la tradition venues de civilisations si glorieuses, l’incertitude de l’amour cependant et l’espoir d’une renaissance sous les virevoltes des quatre éléments-papillons. 

De France, enfin, je ressens Giverny, Monet, le calme et la quiétude d’un jardin d’eau japonisant.     

Mélancolie, douceur, détermination, aspiration à l’amour, à une vie nouvelle ou une nouvelle vie, 

Azalée, quand je t’ai vue, mes tripes ont fondu, mon cerveau s’est embrasé de mille feux, mes yeux ont voulu suinter de douces perles, mon nez s’est évasé pour humer ton parfum, mes pas se sont déclarés prêts à te suivre jusqu’au Japon.

Je t’ai vue, je t’ai perçue dans ta majestueuse complexité. Je suis revenu te saluer, je t’ai cherchée chaque jour. Chaque jour, tu éclaboussais le mur de ton aura.

Femme forte et pourtant fragile, tu mérites le respect du guerrier qui sommeille en toi, et à la force dont tu as nécessité pour atténuer cette mélancolie, cette tristesse diffuse et délicate qui sourde dans ton expression.

Azalée, je t’ai reconnue comme étant une partie de moi. De toi, je vibre de l’amour du beau. 


Lady luna rosa : Tu es romantique.

Les boutons de rose en hommage à la lune recèlent, révèlent un caractère doux, féminin, d’une lady placée en contre-points, en arrière-plan. 

Lady, tu ne ne peux parler, tes lèvres disparaissent sous les boutons de rose. Tes propos ne pourraient être que beauté, sensualité, suaves douceurs nacrées, et leurs infinies déclinaisons.

Seul ton oeil est perceptible, un oeil clair, centré sur la vie. Un regard qui fixe, fouille, vous marque de son empreinte, qui ne vous lâche pas.

Le silence et l’acuité de ta vision sont tes moteurs sensoriels.

Ta réserve ne suffit pas à masquer ta forte présence de femme que l’on sent belle, élancée, distinguée, rêveuse, sensible, solitaire, intelligente et énigmatique. 

Lady luna rosa, tu dégages un romantisme digne des plus grands. 

Au bord du lac, tu serais la muse de Lamartine à fleurir des rimes. Lors de tes nombreux voyages, tu accompagnerais en Suisse Madame de Staël dans sa lutte contre les régimes impériaux. L’art d’écouter, plus que le besoin de parler, t’aurait fait rencontrer Goethe. Schiller aurait déposé à tes pieds la partition de l’Hymne à la Joie.

L’oeil n’était pas dans la tombe, certes non, il était là, sous des boutons de rose rondes. Il ne regardait pas Caïn, il contemplait de loin le monde de demain, incertain.

Lady luna rosa, de ton regard, je me sens fouillé au tréfonds. Avec douceur, ce lamento résonne en mon âme :  « Mais qui suis-je vraiment ? »


Ces drôles de dames, comme je les ai nommées, sont les Anges de Cécile, et ne sont pas trois mais six, toutes nées sous le pinceau et l’imagination d’une grande artiste.

Ses peintures exposées dans une exposition artistique m’ont ému. 

J’ai tenté modestement de lier le texte à la puissance du coup de pinceau jeté sur la toile faisant émerger de si belles figures.

Moquaden SHOMITI. 05/12/2024.  https://mshomiti.com

Cécile PRESTI Artiste peintre / plasticienne. Mail : cecile.presti@yahoo.com – Instagram : Cécile.P

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